mercredi 3 juillet 2013

Réminiscences (Phnom Penh)

21juin Siem reap, Cambodge

Je prend la route ce matin. Je vais chauffer mon pouce sous le soleil brûlant, mes pieds traînent dans la poussière rouge. J'emprunte la grande artère vers l'ouest de la ville je met le cap en direction de Phnom Penh, la capitale, à quelques centaines de kilomètres au sud ouest. Une bonne heure de marche m'amène à l'emplacement repéré sur les photos satellite de la ville. Plus de maisons juste des champs, et un arbre pour me donner un peu d'ombre.

Après plus de 7mois a tendre le pouce a la britannique (territoires et anciennes colonies) c'est le retour à droite, reste de la présence française des 150 dernières années, le protectorat indochinois, ici même si le volant peut être à droite on roule à droite.
Et aujourd'hui j'adapte ma technique, car c'en est fini du pouce! Ici le stop n'est pas compris, enfin encore moins qu'en Malaisie et Thaïlande. Il faut agiter les mains pour attirer l'attention des chauffeurs.
Mais la chance à qui, un conducteur s'arrête après seulement quelques minutes à battre les mimines entre les groupes de mobylettes!

Je quitte Siem reap et son domaine chargé d'histoire pour plonger dans un passé encore à vif et bien moins moins glorieux. Je fais la rencontre de Shona, figure importante de l'état au passé tourmenté par la Kampouchea démocratique, les khmers rouges comme on les a dénommés. Il parle encore assez bien anglais même si son poste actuel ne l'amène plus à se déplacer en dehors du pays ni à pratiquer la langue de Shakespeare. Il travaillait avant pour le département de l'agriculture et l'accès à l'eau. Il voyageait énormément pour donner des conférences. On parle famille et la sienne à souffert, son père est mort sous le régime alors qu'il avait 9ans, sa mère à été rendu aveugle, il est aujourd'hui le seul survivant. Il s'est occupé de sa cousine, orpheline du régime, qu'il a réussi à marier à un américain qu'elle avait uniquement vu en photo. Elle vit toujours aux états-unis et ne veut en aucun cas revenir au Cambodge. Les atrocités commises à sa famille lui ont fait haïr ce pays. Quand je lui demande comment il a fait pour s'en sortir a son âge il me répond que c'est une longue histoire. Shona fait encore des cauchemars et voudrait tout oublier. Le travail de mémoire est un sujet tendu, les survivants qui ont vécu l'horreur préférait effacer leur souvenirs tandis que le témoignage permet aux prochaines générations de mieux comprendre ce qui s'est réellement passé... Je ne pose pas plus de questions même si ces points restent en suspens dans mon cerveau.

Aujourd'hui Shona rentre de Siem reap pour une entrevue le lendemain à Phnom Penh. Il était resté dans la ville des temples pour recevoir une partie de sa famille éloignée, qui aujourd'hui vit en Australie. Les rescapés du régime placés dans des familles par certaines ONG.
Il me parle également du pays aujourd'hui, toujours en prise avec son passé, l'alphabétisation qui frôle les 50%. Manque de personnels qualifiés dans tous les secteurs, le régime ayant massacrés tous les intellectuels, le pays peine à se redresser. C'est également le berceau de la corruption me souffle mon chauffeur, mais avec un grand sourire il me dit qu'il n'en dira pas plus. Seulement que la population ne connaît pas ses droits et que nombre de cambodgiens ne savent pas comment voter ni à quoi cela correspond. Sa femme est aujourd'hui à l'étranger elle aussi donne des conference mais sur la santé, mst, malaria, hygiène, contraception. Elle a visité plus de quarante pays! À mi parcours Shona s'arrête pour la pause déjeuner, il m'invite. Il me fait découvrir les plats traditionnels, une omelette au concombre amer, un curry de poisson et haricots, et le lok lak du poulet revenu dans une bonne sauce rougeâtre mystérieuse. Le tout accompagné de riz bien évidemment et de sauce à l'ail épicé coupé en tranche dans de petits ramequins. En dessert je goute une friandise cuite dans une feuille, mélange de pate de riz, noix de coco râpée et sucre, un délice! Merci msieur!

La fin du trajet est assez silencieuse, je regarde par la fenêtre du 4x4 de luxe les ouvriers qui s'affairent à rénover la route. Du haut de la butte sur laquelle l'asphalte se déroule on domine le plateau et les rizières, j'aperçois au sud une chaîne montagneuse. Puis on emprunte un gigantesque pont au dessus de l'écoulement du grand lac Tonlé sap, sa construction s'est achevée il y a 6 mois! Auparavant un bac faisait la connexion entre les rives. Le trafic de Phnom Penh juste au sud devait créer de sacrés bouchons devant les barges. Je pense à la modification de la vie des gens sur les berges, le flot de véhicule qui peut s'écouler sans obstacle, le trafic détourné par le pont, les petits commerces des ports qui ont du fermer, le paysage modifié par ces piles de béton qui enjambent les bicoques au bord de la rivière. Le progrès, relatif.

La circulation se densifie rapidement, Shona comme tout le monde joue du klaxon pour se frayer un chemin et prévenir les motos en avant. Je regarde mon vieux guide de 2006 chipé dans une auberge à Bangkok et planifie d'atterrir dans une guesthouse au bord d'un lac au nord du centre ville. Mais ô surprise, quand j'explique ma destination à Shona celui ci me révèle que le lac n'existe plus, c'est une mer de sable! Bref peu de chance que les auberges perdurent dans de telles conditions mais je verrai sur place. Shona me jette à un embranchement en m'indiquant la direction du défunt lac. Je récupère les affaires, lui tire le portrait et le remercie du fond du cœur, une ride enrichissante pour mes premiers pas au Cambodge. Il me donne son contact sur le réseau social pour garder contact, merci Shona.

L'auberge n'est plus la, ni la rue, je dégouline et colle dans la moiteur et la poussière de Phnom Penh, en poursuivant dans une ruelle proche je déniche une guesthouse, grand view, à 3$ la chambre avec ventilo et salle de bain! J'aurai préféré le dortoir pour me sociabiliser mais personne ne traîne à l'auberge me répond le tenancier. Je pose mes affaires dans mes appartements (grand luxe première chambre) et loue un vélo pour aller découvrir les environs.

La ville est encore plus chargée qu'à Bangkok, c'est à dire que les rues sont plus dégagées mais le trafic est infernal, les deux roues fusent de tout côté et le smog est assez intense. Le ciel est chargé mais heureusement rien ne tombe. Pour les derniers rayons je m'assois sur un coin de trottoir et croque le bâtiment  d'en face. Un chauffeur de pousse pousse s'arrête pour lorgner sur le cahier et mes admirateurs de derrière m'invitent à le dessiner, whaou je suis une star, j'essaie de crayonner le bonhomme, j'ai l'expression mais la ressemblance n'y est pas! Le soleil s'est couché je salue les mécanos de l'atelier qui m'observeraient et poursuit la déambulation dans la nuit éclairée d'une myriade de feux de motos. Je zigzague vers la rive du Tonlé Sap, traverse les ruelles touristiques puis pose le vélo. Je mange un morceau sur une table dans la rue, un plat de nouilles sautées, le classique sans risque du touriste. 
Plus loin, intrigué par les coques que mangent les locaux assis sur leur petit tabouret en plastique, je me lance dans l'aventure culinaire.
Je reçois une assiette de carottes et concombre tranchés bordés de glaçons -c'est qu'il encore très chaud- une cassolette de coques et deux brochettes d'ailes de poulet. Je commence à m'escrimer pour en ouvrir une quand un local dans la trentaine s'assoit à coté de moi. Je lui demande conseil et me montre comment ouvrir la bête. Je le suit sur la préparation de la sauce dans laquelle il trempe la coque avant de l'enfourner dans le gosier. Du sel aux herbes, de la sauce épicée à l'ail, du sucre et du citron. Et c'est merveilleux! Dans un anglais a l'accent local mais décomplexé, il me demande ce que je fais la en me prévenant que mon estomac ne tiendra peut être pas la route. Faut bien tenter les curiosités locales que je lui dit. On se met à discuter, et To s'avère être un représentant pour la bière Cambodia. Il m'invite à prendre un verre dans un de ses bars favori qu'il sponsorise, le blue dog. Il me fait monter dans sa citadine recouverte de logos au nom de la bière. Il me tend d'ailleurs un t-shirt Cambodia beer. Merci, un peu serré c'est assez kitsch mais bon c'est cadeau!
Après quelques verres, on reprend la voiture il se gare non loin de la ou j'avais mon vélo. Mais cette fois ci on pénètre dans un tout autre établissement. À la porte To salue les filles, on entre et la lumière tamisée baigne le comptoir désert, à l'avant une table est entourée de jolies jeunes filles (tout est relatif hein) qui portent des habits plutôt prêt du corps. To vient finir la semaine chez ses filles de joie. D'autres collègues de la compagnie sont la arborant le t-shirt de la bière. Les filles pouffent et rient de me voir ici. Je comprend que mon hôte passera la soirée ici, après quelques verres et quelques blagues avec les filles je salue mon monde et réussit à me tirer de se guêpier. To me salue chaudement et me rappelle de le contacter si j'ai besoin de quoique ce soit. Bin oui tiens! Merci To, soirée improbable et tellement drôle, salut mec!

Retour au bercail après ces errements, je rencontre un français à l'auberge qui me parle de sa visite au musée de Choeung Ek, l'endroit ou 20000 personnes furent massacrées sous le régime, killing fields. 

Je pensais visiter la prison s-21 ou les personnes étaient torturées jusqu'à avouer des méfaits inventés. Non pas pour l'intérêt mais pour le +1 et faire perdurer la mémoire du passé. Le guide du routard dit du bien de killing field, c'est à 13km. Une balade à vélo me donnera le temps de traverser la ville et repenser à la visite. C'est la bas que je vais. Et sous une pluie torrentielle, je sors la cape pas chère et protège mes affaires dans le panier du vélo.
Après un long trajet j'effectue la visite du site ou les ossements de 80 fosses communes ont été exhumés sur les 120 que comptent le site. Un audio guide permet de reconstituer les lieux, démantelés après le depart des khmers rouge par le voisinage. Les planches des baraques ont toutes été réutilisées ailleurs. La sauvagerie des bouchers est duré à avaler. Pendant qu'ils défonçaient les têtes des victimes à coups de crosse pour épargner les balles, une musique patriotique diffusée sur le site couvrait les cris des victimes. Des témoignages audio permettent de comprendre le déchirement des familles, le système impartial de la Kampuchéa.
Je repars un peu remué regardant différemment les personnes aux alentours qui ont passé la cinquantaine, certainement aussi de nouveaux habitants. Les khmers rouge ont vidé la capitale en 3jours pour mettre la population au travail dans leur campagne d'origine. À la chute du régime, les personnes ont repris des maisons au hasard.

Le soir je retrouve Gloria en centre ville, l'espagnole avec qui j'avais visité une partie des sites d'Angkor, je rencontre son compère de l'auberge, Janko, un allemand qui me rappelle Jean-Michel un ami d'il y'a 10ans. On prend quelques verres et Gloria nous invite à la rejoindre pour aller à la plage le lendemain. Elle a rencontré Conor, un irlandais qui vit au Cambodge depuis 8ans et qui lui a proposé un picnic avec ses amis au nord de l'île des tisserands, sur le Mékong. C'est parti!

23 juin, centre ville de Phnom Penh.
Je fais la rencontre de Conor et ses amis, un couple khmer qui tient un resto, sowan un gars d'une province de l'est, kreung, une minorité ethnique du Ratanakiri et une amie irlandaise en visite. On embarque tous les huit sur 3 motos, direction la plage! On emprunte un bac pour se rendre sur l'île des tisserands et après une heure de tape cul nous voilà à la pointe nord. Des petites paillottes sur pilotis sont disposées sur l'eau. On en prend deux et Conor passe commande de deux poulets, riz frit, d'une bonne caisse de bière et de glace, le tout dans un khmer parfait. Après avoir commencé en tant que prof d'anglais Conor est aujourd'hui photographe pour des revues locales et des ONG, il a appris la langue du pays par lui même au gré de ses voyages et avec pas mal d'acharnement.
On discute en faisant trempette, accoudés au sol de bambou de la paillotte, Sowan nous parle du Ratanakiri ou il a servi de guide à Conor pour visiter des villages reculés en début d'année. Son amie irlandaise fait du volontariat en tant que prof d'anglais à la campagne pour quelques mois.
Quelques gouttes rafraîchissent l'air. Quelque chose de fou et particulier de se retrouver les pieds dans le Mékong, les seuls blancs de la plage, un lieu calme et reposant hors de la ville bruyante et polluée.
Notre équipée finit par chevaucher de nuit, dernier bac de la journée. Conor nous ramène au bercail. Merci pour cette sortie inoubliable dude!

24 juin,

Conor ne travaille pas et nous propose d'aller faire des bracelets de protection chez un chaman bouddhiste, un ami à lui qui lui a fait plusieurs de ses bracelets. Ils se sont rencontrés alors que Conor prenait des photos des bâtiments le long d'une voie ferrée désaffectée pour un projet de rénovation par une ONG il y a 3ans. C'est la qu'on file en moto le rencontrer au nord de la ville. Yènn à 85ans et vit avec sa superbe femme peut être 15ans plus jeune ou plus encore. Il a un regard profond et apaisant. Conor nous introduit et nous laissons le chaman travailler et graver le métal de nos bracelets de signes mystiques. Il les façonne puis nous les attache. On discute brièvement, Conor faisant la traduction pour Yènn qui d'ailleurs commence à ne plus très bien entendre ni à voir. Il fait tous ces grigris, amulettes et bracelets selon les voies qu'il a entendu un jour et qu'il lui on dit de le faire de cette manière. Il s'éteindra avec son art et sa dévotion, il n'a pas de successeur. Je regarde ses yeux en imaginant tout ce qu'ils ont pu voir. Nous le saluant et le remercions avec quelques dollars sur un plateau et reprenons la route sur nos motos. Je me retourne une dernière fois pour voir Yenn et sa femme. 

De retour au centre ville on mange avec Conor, j'en apprend plus sur lui, dessinateur méticuleux à ses heures perdues, il vit en collocation avec un caricaturiste de figures politiques locales. Avec Janko et Gloria on parle départ. Demain Janko file à Siem reap visiter les temples quelques jours. Quand a Gloria elle part pour le ratanakiri, le nord est, non loin du Laos ou je me dirige. On décide alors de faire un bout de route ensemble, et je l'embringue dans l'aventure en stop en lui montrant le trajet des fois qu'elle en ai marre et veuille prendre un bus. Conor retourne chez lui on le salue comme il faut, merci pour toutes ces découvertes!

(ps désolé pour les photos en vrac la connexion très lente m'empêche de faire la mise en page correctos, à plus!)












Sona
Phnom Penh


To et un type bourre qui lui fait des mamours

mon magnifique t-shirt sponsor Cambodia beer

Retour dans l'horreur du passe avec la visite du site du genocide de Cheung Ek, plus connu sous le nom de Killing Field
 
le lendemain direction la plage avec Conor un irlandais que Gloria a rencontre pendant un match de boxe thai

on prend le traversier pour líle des tisserands


la plage sur le Mekong une eau trouble en raison de la mousson, un temps couvert mais ideal pour profiter sans cuire



les petites huttes ou on se pose tous les 8 a manger du poulet grille, du riz frit et des bieres Angkor

retour nocturne en mob

repause biere apres le dernier ferry







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