samedi 10 août 2013

dernière bobine (Hanoi)


Hanoi, le 21 juillet 2013, 6h


J'entend le cri des coqs, en pleine zone urbaine. Bienvenu à Hanoi. J'ouvre les yeux et me lève de mon bout de trottoir sous l'oeil amusé et interrogateur des clients du resto d'à côté. Je leur renvoie un grand sourire, il est 6h la ville s'active déjà et j'ai plutôt bien dormi pour une nuit sur le béton. Je range mes frasques dans le sac et puis me dirige vers le resto prendre une soupe de nouilles, je meurs de faim. Les clients commencent alors à me poser tout un tas de questions, en vietnamien bien sûr. A mon tour d'être amusé et de les regarder sans rien comprendre. Je leur fait comprendre que tout va bien! Le patron m'apporte la souplette, puis sa femme me pointe un sceau rempli d'oeufs. J'acquiesce et me dit que ça me calera un peu plus que les nouilles. Ma surprise quand je la vois me ramener un bol avec deux hémisphères de jaune d'oeuf dur entourant le fœtus d'un poulet!
Bin c'est servi je vais pas refuser et je tente l'aventure culinaire. Les jaunes-placenta passent avec un peu de gingembre et le fœtus en tant que tel est assez savoureux malgré mes révulsions par rapport à la chose et ses représentations associées. Si vous voyez ce que je veux dire. 

Avant de repartir une de mes clientes qui posaient tout un tas de questions voit mon appareil et me dit de lui tirer le portrait. La femme à un bon fond mais pas l'image. Enfin ça nous fait bien rire et je lui fait comprendre qu'elle est magnifique! Je salue l'assemblée et m'enquiert d'un cyber-café afin de tirer au clair ma position dans la ville, histoire de savoir qui dit vrai de deux personnes interprétant mon "city-center-Hanoi?" dans deux directions opposées.
Je trouve mon bonheur et un des gars qui joue sur le net m'aide à me geolocaliser sur la carte. Je trouve ensuite la région des auberges et constate que le bus 34 m'y emmène quasi-directement. Je suis au sud ouest de la ville à près de 2h à pied du centre! 

Après que le chauffeur ai remis les gaz alors que je m'apprêtais à sortir je parviens enfin à descendre, deux ou trois arrêts plus loin que celui où je comptais m'arrêter. Je lui envoie un grand merci ironique en vietnamien en le regardant dans son rétro intérieur, les type rigolent bien dans le bus. Du coup je suis complètement hors des impressions écran que j'avais fait du coin de carte ou se trouvent les auberges. Un peu furax contre l'abruti de chauffeur j'erre au flair et finis dans un café avec wifi après que les requêtes à des passants soient restées infructueuses. Je suis à l'opposé d'où je pensais! Mais pas si loin. Bref les rues tournent toutes légèrement et brouillent ma boussole, une ville pas si évidente pour se repérer. Le café est bondé mais très agréable, ça jase dans tous les sens. Le monde s'en jette un petit avant d'aller bosser.
Le dortoir que je visais est en réfection mais après quelques tours de pâtés je reviens à la même crémerie prendre une chambre à 4$ aussi chère que l'étage ou elle se situe. Les toilettes et la salle de bain sont au rez de chaussée mais ce petit prix me convient! Une douche et je part me perdre dans ville qui grouille de mobylettes, un peu comme Bangkok mais le niveau supérieur! Je joins quelques photos de ma première journée. Je laisse l'appareil au placard les deux suivantes pour juste le laisser porter par le flot. Un rythme lent à travers la vie trépidante de la capitale. Je me repose surtout des jours de voyage passés, à sauter d'un endroit à un autre. Ici je saute plutôt d'un café à une cuisine de rue. Et je tombe sur des perles de compositions locales! Assez indescriptible il faut venir pour essayer...


























Le lendemain soir de mon arrivée alors que je bouquine autour du lac du centre ville, un jeune ingénieur en hydro électricité engage la conversation. Il souhaite améliorer son anglais. Bon feeling on discute plusieurs heures en se baladant dans le vieux quartier, Tièn fait un peu le guide et lit en même temps un descriptif imprimé de lieux touristiques de la ville. L'anglais du texte et assez élaboré et c'est amusant de voir comment nos prononciations sont radicalement différentes quand vient mon tour à m'essayer au vietnamien.
Tièn vient de la campagne à 3h au sud de la capitale. Ses parents y sont fermiers. Il partage un dortoir de 8 lits sur le campus de la fac depuis qu'il étudie. Il paye 150000 dongs par mois. Le prix de deux nuits dans ma guesthouse que je lui dit en rigolant. Apparemment c'est une très bonne université, et il finit bientôt, dans 4 mois. En attendant ce soir c'est l'anniversaire d'un de ses camarade de chambrée, il va pas trop tarder et m'explique un peu au pas de course l'arrangement du vieux quartier avant de choper le dernier bus pour la fac. Il y mangera moins cher aussi. Je quitte Tièn en s'échangeant nos contacts des fois qu'il soit dispo le lendemain soir.

Le lendemain je visite le musée d'Ho Chi Minh à défaut d'être arrivé à temps pour visiter son mausolée que Luis (cf. Sinchao Vietnam!). Une vraie galère procédurale communiste! La place du mausolée est colossale et dégagée mais des gardes et panneaux bloquent l'accès direct au mausolée, gratuit. Il faut faire un detour de près de 20 minutes pour se retrouver a 100m du point initial. Pour info il faut passer les grilles de l'accueil (après le détour donc) à 10h15 dernier délais, de la il y a encore une bonne trotte jusqu'à l'entrée à proprement parler. Bref hormis ces détails logistiques inintéressants, le musée est une bonne mine d'information pour les francophones de ce bas monde. A travers de nombreux photos lisibles d'articles de l'humanité des années 20-30 le parcours retrace l'histoire et les racines du soulèvement populaire contre l'envahisseur colonial français. Des photos d'archives de Nguyen Ai Quoc  qui étudia à Paris plusieurs années, travailla en Europe et adhéra au mouvement communiste et devint un leader populaire à son retour. Certains articles sont accablants
Au détour de photos sur l'acte de résistance et de patriotisme de la population vietnamienne pendant la guerre d'indépendance contre les francais, puis celle des années 70 contre l'envahisseur capitaliste américain au sud du pays, une jeune nana me demande de prendre la pose avec son amie devant une photo grandeur nature d'une vietnamienne ayant capturé un pilote américain. La naine et le géant. Je me prête au jeu et puis on engage la conversation. J'apprend que la photographe vient souvent au musée. Elle est également accompagnée de sa mère et son frère. On pratique un peu l'anglais.
Sorties amicales/familiales et/ou patriotisme?
Les photos mettent en avant la bravoure et l'héroïsme du peuple résistant à l'envahisseur au travers de clichés montrant Ho Chi Minh dans le pays avec le peuple vaillant. Le peuple lui vaut un culte incroyable. Le musée comme tout bon lieu national, ne montre qu'une version acceptable de la guerre. Néanmoins il faut avouer que sur le papier Ho chi Minh avait ciblé juste en voulant éradiquer l'illettrisme, une photo montre des soldats suivant un cours en pleine tranchée, entre deux bombardements. Pour sur cela à contribuer à élever le pays au niveau économique et social ou il se trouve aujourd'hui. Après quand à la liberté d'expression, je ne connais pas assez le contexte actuel.
Plus loin dans ma balade citadine, je recroise la petite famille qui attend l'ouverture du gigantesque complexe de la citadelle de la ville et qui date du 15e siècle.
En début d'après midi, je traverse les quartiers chics de Hanoi, magasins de luxe et hôtels 5 étoiles, pour aller faire un tour au musée d'histoire qui parait il est gratuit. Le quartier d'affaire dans lequel je passe est un autre monde on se croirait presque dans un coin de ville européenne. Entre deux immeubles recents, de vieux bâtiments en pierre se glissent, courts délimitées par des murets et grilles métalliques à piques, rues plantées d'arbres, squares, ...
Au musée (qui contrairement a la carte que les auberges distribuent est à 25000dons tout comme la visite de ce matin) j'apprend que depuis toujours le peuple vietnamien et ses ethnies à toujours résisté à l'envahisseur, chinois, mongols, etc. L'ensemble est malheureusement uniquement écrit en vietnamien mais les cartes et quelques rares traductions donnent une idée générale des batailles qui ont parsemé l'histoire du pays.

Le 24 juillet 2013, j'ouvre les yeux un peu avant la sonnerie du réveil. J'entend la vie qui résonne déjà dehors. Le ventilateur souffle dans ma chemise au dessus de moi. Je prend quelques minutes avant de me lever. C'est mon dernier matin en Asie, mes derniers moments dans une autre culture avant de retrouver le monde des blancs et de compléter la boucle autour du globe. Un avion jusqu'à Kuala Lumpur puis un second jusqu'à Paris vont me faire enjamber peut être un quart, voir un tiers du monde en moins d'une journée.
Je vérifie bien de ne rien laisser avant de quitter la chambre de bonne, je paye et salue mes propriétaires taciturnes et replonge dans le flot intrépide de Hanoi pour encore quelques bonnes heures. Je m'installe sur un tabouret plastique dans un coin de ruelle. Une petite dame fait des bolées de nouilles avec de la verdure, très bon, un peu léger mais pas cher du tout. Je prend un dernier café un peu plus loin en regardant les motos passer. Un couple qui s'est installé à la table engage la conversation alors que je m'apprête à partir. Je reste un peu échanger avec eux mes impressions sur leur pays que j'ai trop brièvement vu mais qui m'a beaucoup touché par la gentillesse et l'ouverture des gens que j'y ai rencontré, "comme eux deux" que je leur dit. Il me conseille le sud pour une prochaine fois ou ils sont justement allé, les gens y sont (encore) plus chaleureux me disent ils. On s'envoie des sourires alors que je file vers la gare des bus.


A 9h30 je monte dans le bus 17 pour l'aéroport, je fait mes aurevoirs à la ville et au continent asiatique. Un grand moment, après un an de voyage, à 13h je décolle pour rejoindre par l'est un endroit d'où je suis parti vers l'ouest!
Je finis d'écrire cet article alors que l'appareil approche du sol français, le soleil levant irisant à contre jour les nuages de l'horizon. Ma poursuite de l'astre du jour prend fin.


Salut contrées lointaines, à la prochaine!