samedi 13 juillet 2013

la grand' route (Pakse Savannaketh Vientiane)

Lundi 8 juillet 2013, Pakse plaque tournante du sud du Laos,

Réveil dans la pénombre du dortoir, seuls deux japonais roupillent aux extrémités de la rangée de plumards. Le ventilo souffle toujours et me rafraîchit pendant que je boucle le sac. Un peu trop de mouvement engendre chaleur et sueur! Je sors de l'auberge vers les 8h passées, en route pour la capitale à 700bornes au nord!
Je profite de l'influence française et commence le petit dej par une petite baguette fourrée au choux, carotte râpée et émincé de porc avec de la sauce relevée. C'est une ptite dame qui me prépare ça dans sa cariole de trottoir. Je rajoute une baguette a l'addition pour finir mon beurre de cacahuète et mes bananes. Je boulotte mon sandwich lao en marchant puis me pose dans un café avec internet poursuivre le remplissage d'estomac, la journée va être longue, je commande un ovomaltine pour changer du café lao  qui jusqu'à présent n'a pas été terrible, des œufs au plat avec du pain (sans me plaindre, ça me change du riz et des nouilles pensez un peu après un mois et demi). La petite baguette est délicieuse bien croquante, cuite en surface et moelleuse à l'intérieur sans faire de boulettes. Je finis le pain, fourré avec mes provisions de campeur cahuètes et banane. Calé comme il faut je me garde la baguette achetée au coin de la rue pour la route.
Grâce à la fée internet je traduis quelques mots de base en lao.  Des fois que les chauffeurs ne pipent pas un mot d'anglais. Direction, Famille, nourriture, dormir, travail, âge, etc.

En selle camarade! je marche une bonne heure pour dépasser l'aéroport au nord de la ville après avoir traverser un pont qui chevauche un affluent du Mékong. Je longe de nombreux monastères et temples plus ou moins pimpants. Les échoppes aux produits variés sont essemées le long de la route, maisons et commerce a la fois, le mécano le coiffeur, l'atelier ordi, le revendeur de cartes sim, les dépanneurs, tout est devant le magasin en visuel, l'arrière boutique c'est la maison! Ça cogne. Je jette enfin le sac à terre sur une ligne droite. Je m'éponge le front, ma casquette est imbibée de transpiration, mes lunettes glissent sur le nez. Mon tshirt n'est pas jojo, le blanc tire à l'ocre, des traces de partout. Faudra que je pense à faire de la lessive pour ne pas intoxiquer mes chauffeurs.

breve visite d'un beau temple avec des toits aux tuiles assez anciennes 




l'incinerateur de dechets quand il n'y a pas de ramassage
En attendant, les Laos au volant se fichent pas mal de ma présence sur le bord de la route, quelques rares regards, et quelques sourires quand même. Les types a moto sont par contre plutôt cool, regards apaisés et sourires ouverts, ça me fera pas avancé mais ça me fait patienter. C'est un peu comme si il y avait une barrière de classe sociale, les 4 roues pavanant sur l'asphalte en doublant à tout va. Les voitures sont presque toutes neuves, pickups aux vitres teintées et au pare brise assombris pour diminuer la luminosité aveuglante.  Et c'est pas gagné, une heure passe et rien ne se passe pourtant le débit est plutôt intense. Enfin un utilitaire s’arrête, le fameux, la caisse à savon doublée d'une barquette dans laquelle je suis déjà monté avant d'aller à Champassak, le même vieux Hyundai porter que tout le monde utilise ou customise en mini bus. Khamsing retourne chez lui à plus au nord. Il me fait une place a l'avant, et il parle anglais! Youpi merci monsieur! Khamsing s'en revient d'un cours d'informatique à Paksé. Chef d'une compagnie de charbon de bois, il apprend à manier les tableurs, la recherche internet et les mails afin de mieux gérer la paye du salaire de ses 30 employés et mieux communiquer avec ses clients. Il produit du charbon de bois blanc grâce à deux sites de production dans le centre du pays. Son marché est la Corée et le Japon où ces pays utilisent ce combustible pour la cuisine haut de gamme. Le Japon est plus exigeant sur la composition du charbon qui doit provenir en intégralité du même type d'arbre. Il a monté ce business en 2 ans après avoir travaillé dans l'industrie forestière si je comprend bien. Ses employés ou des villageois lui apportent ledit bois a charbon, il ne replante pas même si ce genre d'arbre n'a pas besoin de vieillir pour être apprêté en charbon, dommage. Il confirme d'ailleurs mes lectures parlant de la déforestation intensive dans la région. On s'arrête un instant pour qu'il nettoie son véhicule. Demain il s'en servira pour livrer 1,5T de charbon, j'imagine qu'il veut assurer face aux clients. Il projette d'ailleurs d'investir dans un pickup (ça doit en mettre plein la vue) et me pose des questions sur les marques outre asiatiques. Il me parle aussi brièvement d'autres touristes qu'il a pris en stop auparavant, sympa.
Après un bon bout de jasette à apprendre des mots lao grâce à mon conducteur, on arrive à destination, la ou Khamsing va bifurquer a droite pour s'en retourner chez lui. Il compte manger un morceau au resto du coin et me demande si ça me tente, je le suis bien entendu, que je répond.
Il commande du riz collant et une brochette de poulet, enfin plutôt un poulet éclaté à plat et pris entre deux baguettes géantes pour le retourner sur le barbeq. Du pii kai qu'on dit il me semble, pii pour grillé et kai le poulet. Ça se mange avec les mains et on trempe le riz dans une pâte au piment. Je passe mon tour pour la sauce, mon estomac est encore un peu embarrassé depuis le ratanakiri (impossible de savoir quoi mais rien de méchant). C'est bien bon et j'engloutit tout le poulet après que mon hôte ait adjugé forfait. Bien sur je paye la note, un peu salée mais bon c'était un poulet! On se quitte assez rapidement, Khamsing à affaire apparemment. Je le remercie vivement de son aide et de l'échange. Au revoir monsieur!

Khamsing
Le poulet bien calé et ma bouteille d'eau gracieusement remplie sans frais par l'aubergiste, me revoilà sous le cagnard du zénith. Je m'éloigne du village voire un peu trop, aussi pour passer le temps, aucune ombre ici non plus, je m'arrête au milieu de nulle part les rizières en jacheres s'étendant aux alentours. Puis le poisson mord, c'est encore a l'arrière d'un utilitaire conduit par deux gars super sympa que j'embarque.




Au sol du plâtre tout juste lavé et séché recouvre la plate forme ou je me trouve, je jette ma housse de sac sous les fesses pour ne pas me transformer en peintre du dimanche. Ça secoue pas mal et c'est pas toujours évident de s'installer sans se couvrir de blanc, mais ça reste extra de voir le paysage sans chassis autour de soi, je fais un bon bout avec ces types qui s'arrêtent a 120km de savannaketh la prochaine grande ville. Les types me montrent le soleil qui décline et me pointent l'autre côté de la route, un motel. Je les remercie et essaie de leur expliquer que je vais quand même tenter ma chance, salut les mecs.


Je marche une centaine de mètres, pose le bardas et la trotteuse n'a pas fin de faire un tour complet que je ne me retrouve à l'arrière d'un pickup briqué. Trois types bien sapés genre golfeurs vont à savannaketh et acceptent de m'emmener après que je leur ai expliquer ma façon de voyager et que j'ai refusé qu'ils me déposent à l'arrêt de bus comme ils me le proposaient. Les amortisseurs sont moins tape cul que sur l'autre barquette mais la vitesse me fait faire des bonds à chaque passage de pont, rodéo! Ça traîne pas avec mes chauffeurs, ils s'arrêtent faire le plein et sans un mot me donne une bouteille de coca avant de me lancer un "go!". Plus loin ils se garent devant une grande halle sur le bord de la route. Un marché aux animaux. Âpretés ou vivants... Iguanes attachés les pattes dans le dos qui se débattent sur le sol ou dans des sacs en filet, serpents vivants, grenouilles, anguilles, escargots, oiseaux de tout genre certains assez gros mais tous dans des cages étroites, ils piaillent quasiment tous comme s'ils appelaient à l'aide, criquets fraîchement grillés, différentes viandes. C'est assez violent de voir les animaux maltraités, on a l'impression d'être dans un marché aux esclaves, privation des droits. Mes hôtes repartent avec une portion de larves grillées, je goûte et c'est pas franchement mauvais mais je peux pas dire que j'en raffole... La voiture vole et à l'arrière je cogite, deux options soit les quitter à l'embranchement vers Savannaketh, à 30km de la route principale et tenter de poucer jusqu'au couchant quitte à devoir dormir dans une cabane et me battre avec fourmis et moustiques (whaou) soit continuer avec eux jusqu'au bout en retrait de la route vers Vientiane et découvrir une autre ville sur les bords du Mékong. Ce sera plus compliqué de revenir sur la route de la capitale le lendemain mais je choisis cette option. La peur de l'inconnu et de l'insécurité de ne pas savoir ou dormir peut être, vivre une nouvelle expérience, en même temps je suis pas mal crevé et mettre un terme à la journée de stop n'est pas une mauvaise décision. Sage décision.


les cheveux dans le vent, arf arf arf
J'en fais part à mes chauffeurs alors qu'ils s'arrêtent pour justement me trouver un bus au fameux embranchement qui m'emmènerait jusqu'à Vientiane. Des types froid mais très soucieux de mon voyage.
Ils me déposent même devant une guesthouse du centre ville, des amours! Après des errements dans la ville à la recherche d'un endroit moins cher je reviens à la source et aligne les 40000kips. Je me requinque avec une bonne douche, je lave enfin mon tshirt de pouilleux et me trouve une gargote qui me nourrit d'un plat au porc aux herbes avec des légumes et du riz, accompagné d'une souplette façon bouillon, bien bon tout ça. Je passe au cyber mettre de l'ordre dans le blog et les photos. De retour au bercail dans la ville silencieuse je recouvre les fissures de mes semelles de caoutchouc liquide, la charge et les kilomètres  ont eu raison de ces chaussure que je porte depuis un an. J'oriente le ventilo, ouvre les volets de cette pièce trop chaude, le son des geckos résonne dans la cour, je ferme la boutique, claqué.


Le lendemain je trainasse et prend mes œufs mon café et ma baguette 
avant d'attaquer l'asphalte cette fois la carte de la ville m'indique 1h30 de marche jusqu'a la jonction menant à bon port. Et comme d'habitude mon ami le soleil me taquine, mais j'ai la pêche. Puis après quelques kilomètres le physique prend le pas sur le mental et un peu indisposé je fais une halte express chez un mécano emprunter les toilettes, c'était moins une!


le créateur de bouddha enfin démasqué (il peint un des bouddha dore et au milieu gauche au fond le moule)


la famille ventilo
la famille tuk tuk
la famille poubelle
la famille autel
la famille plante verte, premièr pépiniériste/fleuriste depuis longtemps, qualité de vie
les filles du concessionnaire
J'atteint enfin l'emplacement clé, le rond point d'où provient le trafic thaïlandais - de l'autre bord du Mékong - et qui emprunte le pont de l'amitié. Un arbre et de l'ombre ma chance. Posté bien en vu, le succès n'est pas au rendez vous mais je n'en démord pas. Le vendeur de sandwich du trottoir d'en face vient me demander en anglais pourquoi je ne prend pas de bus. Il comprend ma démarche et me dit que oui le bus est ennuyeux. On est bien d'accord!

défier la gravité
Peu après qu'il soit retourné à son stand, le chauffeur d'un pickup Toyota gris métallisé me regarde et s'arrête. Je cours avec mes sacs en échangeant un grand sourire à mon voisin de trottoir.
Je salue Noi qui me dit de monter dans le siège passager.
Il va à Paxxan à 340km au nord, la mère d'un de ses amis et collègue est décédé d'un cancer, la cérémonie et le repas de commémoration ont lieu demain.
Noi a 32 ans et roule une affaire dans l'import export de matières premières et voitures. Il a commencé son business il y a peu de temps après avoir travaillé comme commercial et enseignant de lao pour les ingénieurs d'Edf venus construire un barrage hydroélectrique. Toujours en contact avec d'anciens collègues français, il apprécie énormément ce que la France a apporté au Lao en terme d'éducation et d'infrastructure. Je nuance ces propos avec ce que j'ai par exemple lu sur le contrôle du Mékong par les bateaux armés français, mais pour Noi contrairement aux américains les français ont toujours été respectueux dans l'ensemble de la culture laotienne. Il me sort d'ailleurs une méthode de français qu'il apprend en ce moment. Il me donne d'ailleurs ses coordonnées des fois que je veuille faire des affaires au pays, il est prêt à m'expliquer toutes les démarches, il a du lui même les effectuer pour son commerce trans-frontalier.
Entre quelques leçons de lao, on parle famille, la semaine passée il à été moine, chaque enfant doit le faire au moins une fois dans sa vie. La plupart le devient de façon temporaire après le décès d'un parent, mais lui a voulu le faire de leur vivant afin qu'ils puissent l'apprécier. La période est variable chacun fait comme il peut selon ses engagements . Il me montre quelques bandes dessinées et livre sur les enseignements de bouddha et la biographie d'un moine controversé. Très connu en Asie ce dernier à émigré aux états unis pour tomber dans la débauche, il a couché avec une femme alors qu'il était moine mais surtout il a récemment tué un enfant alors qu'il conduisait ivre. Il vit dans une villa avec chauffeur et limousine. Noi relit sa biographie suite à ces derniers événements afin de mieux comprendre qui est ce personnage. Ça me rappelle la contradiction entre la voie du bouddhisme - le dénûment - et les temples qui poussent comme des champignons et rivalisent de surenchères en dorures, constructions élaborées, sculptures et peintures riches en détail. Intéressant et curieux.

Intrigué par mon mode de deplacement, il me demande ou je vais dormir ce soir, je n'en sais rien que je lui dis, je verrai ou la route me mène, peut être dans une cabane. Il me réplique qu'il ne serait pas capable de ne pas savoir à quoi s'attendre. Il suffit juste d'être préparé à l'imprévu, drôle de paradoxe!
Un chic type qui ne fait pas de pause pour arriver à 16h30 mais me tend des sortes de bugnes délicieuses, du riz noir avec une pâte sucrée, dessert succulent, et de petite madeleines, le tout venant de savannaketh, je me rattrape avec ces douceurs après mon passage éclair dans la ville, merci!

À l'arrivée sur Paxxan, on essuie une grosse pluie de mousson et par chance on la traverse, le soleil pointe le bout de son nez alors qu'il me dépose à un abris bus. Il me tend une bouteille d'eau, on se salue et le pickup redémarre. Un merci du fond du cœur pour ces moments.

Noi
Paxxan apres la pluie
Je rejoins la sortie de la ville sous la moiteur des rayons qui frappent l'asphalte trempé, les mobylettes brillent au soleil, encore toutes perlées de l'averse.
Un groupe de gars buvant sur leur terrasse me font signe de les rejoindre lever le coude. Je pose le sac et salue la compagnie, quelques mots d'anglais on rigole et je termine par un cul sec sous la demande générale. C'est que j'ai encore de la route, ils me disent de rester à Paxxan pour la nuit, j'espère pas les gars!
Je quitte la maisonnée et un utilitaire me prend en stop un peu plus loin. Ney ne va qu'à quelques kilomètres mais ça me va! Je monte à l'avant et parle en anglais. J'apprend qu'il bosse pour une ONG world vision, celle ci s'occupe de promouvoir l'agriculture et donner l'accès a l'éducation. Ce programme est d'ailleurs financé par le Canada. Les adieux sont brefs, il retrouve sa sœur qui tient un dépanneur.

Ney
siouplait!
On se quitte et je me reposte dans une ligne droite à la sortie du patelin. Le soleil passe derrière les nuages à l'horizon, j'ai encore une petite demi heure avant qu'il ne disparaisse. Je pense à cette baraque en bois en contrebas de la légère côte ou je suis, abandonnée. Le plan B pour passer la nuit. Je suis prêt à coucher ici quand finalement un jeune couple baisse la fenêtre d'un pickup et me demande ou je vais. Vientiane! Eux aussi! Il me déposeront au centre! Incroyable, je grimpe à l'arrière et regarde la cahute en bois disparaître au lointain, heureux et triste à la fois, je laisse la route trancher mes choix. Je pense aussi au temps et aux kilomètres qu'il me reste avant de décoller de Hanoi. Ici a l’arrière du pickup, je vis un peu mon dernier lift au Laos. La brume du soir joue dans les collines au nord, les étoiles apparaissent derrière le voile nuageux puis les dernières lueurs bleutées s'effacent progressivement, c'est la nuit noire. L'air se rafraîchit avec le vent relatif du véhicule, la première fois que je frissonne depuis la Nouvelle Zélande. Les phares des voitures que l'on dépasse m'aveuglent par moment, je m'allonge finalement dans la barquette et contemple le ciel, un moment unique.




Deux heures plus tard on pénètre dans la capitale, magique de voir ça depuis l'arrière du pickup. Ils me déposent au marché du matin et m'indiquent la direction du centre avant de repartir, mille mercis, c'est fou je pensais vraiment pas faire ces 450km aujourd'hui! Et il est seulement 20h30 j'en reviens pas. Je trouve le dortoir lambda du backpacker et fais quelques photos dans les rues après un plat de riz sauté. J'esquive les ladyboy qui essaient de me peloter le cul et me lancent des "je ferai tout pour toi, ... *Censuré*!". De retour à l'auberge et ma virginité sauve, je m'écrase dans mon lit superposé.

Grand route j'en ai bien sué mais je t'ai eu, merci à tous mes chauffeurs!

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