vendredi 2 novembre 2012

road trip epique

Mardi 16 octobre

La matinee commence avec une petite balade en vélo pour récupérer mes thunes auprès de Pete. Une dizaine de kilomètres vallonnés à sentir le vent frais du matin dans les descentes et à transpirer dans les côtes. J'arrive sur la parcelle ou l'équipe est en train de vendanger. Pete me donne mon chèque cash, c'est sympa car j'ai pas encore mon numéro de sécu de résident permanent. Je parcours les rangs pour embrasser tous les pickers et compagnons de ces derniers jours. Je mets les sousous dans la popoche (hein padre!), remercie Pete et renfourche le vélo. C'est aussi les au revoir avec les filles qui sont de repos à la maison. Un petit pincement au cœur, j'arrache mon sac, boucle la ceinture et referme la porte. Les pieds de retour sur la route, je fais quelques kilomètres jusqu'a la rue principale du village.


Carl, un gars d'Ontario, m'emmène jusqu'au  bord du lac skaha au sud de penticton. Il bosse dans l'installation de compteur d'eau pour les compagnies. Déjà qu'il est pas de la région ça l'aide pas non plus à se faire des copains. Le BC et le Québec sont les deux provinces qui ne disposent pas de compteurs d'eau. C'est un gros débat car si à l'heure actuelle la consommation n'est jamais facturée, est ce que le paiement de chaque litre est le meilleur chemin vers la conscientisation de la valeur de l'eau? J'en doute. Les personnes qui en ont les moyens laisseront toujours le robinet ouvert en se brossant les dents tandis que les revenus les plus modestes se verront juste assenés d'une facture supplémentaire. Cette mesure limitera néanmoins certains excès, la répression au lieu de la prévention. Les mentalités sur le rapport à l'environnement passent encore une fois par l'argent, un peu triste.  Carl aimerait bien prendre la route, enfin la reprendre il a déjà pas mal voyagé et ça lui manque. Un de ces quatre, le temps de refaire un peu d'argent avec ce job, peut être, je l'espère dude!
carl
Je dis au revoir a mon chauffeur et marche le long du lac jusqu'à la sortie de la ville, a contre jour le soleil illumine les couleurs de l'automne, le vent agite les feuilles, il fait bon une grosse chance de partir sous un temps pareil.
skaha lake
John est plombier électricien plaqueur, ... 30ans de service qu'il a inscrit sur sa carte de visite. C'est aussi un cowboy, il a gardé plusieurs troupeaux dans les plaines de la province pour des amis. Il va vers cawston, cette fois ci je descend le lac skaha et la vallée de l'okanagan, il me laisse au connecteur.
john
Le vent se lève et j'enfonce mon chapeau. J'ai pas trop de succès en haut de la cote mais je vois pas d'autres spots pour attraper les voitures. Cliff me fait finalement signe pour embarquer. Je jette mon sac dans son vieux 4x4 a côté de son labrador. Peu bavard il me rend tout simplement service et me dépose en contrebas, à l'entrée du prochain bled, okanagan falls. Je traverse la ville et prend la dernière ligne droite qui longe les monts. Le soleil est encore au dessus de la colline mais l'après midi est bien entamé, bah on ira la ou on ira!
Pourtant bien visible de loin, les voitures ne ralentissent pas des masses. C'est alors qu'une cadillac intérieur pourpre se range sur le bas côté (un peu comme ta caisse pierrot). Une petite grand mère très gentille s'est arrêtée. Elle ne dit mot mais ses deux petits fils dans la trentaine m'invitent à monter. Eli est à l'arrière, j'acquiesce quand il me dit que c'est pas évident d'avoir une ride, la vallée est blindée de retraités qui viennent sécher leurs os pour leur vieux jours. A naramata on blaguait sur les panneaux publicitaires immobilier. A kelowna la grande ville de la région on trouve "A great place to live", un bel endroit pour vivre. Ca devrait plutot etre "A great place to die" un bel endroit pour mourir! La petite famille est autochtone, sûrement okanagan. Ils m'emmènent passé vaseux lake, au pied du rocher en forme de tête de chef autochtone, indianhead. Au pied coule une rivière et j'aperçois des traits rouge. Je descend au bord de l'eau ce sont bien des saumons, des kokanees, il y'a en à des centaines de ce que je peux voir du cours d'eau! Ils sont en fin de parcours, peu bouge a mon approche, ils sont stationnaires, a bout de jus, bientôt la ponte certainement. Clic clac je remonte sur mon perchoir mais je sens pas trop le spot, j'ai l'impression qu'il y a d'autres embranchements un peu plus loin, du coup je marche une petite demi heure pour me retrouver de l'autre bord de la bourgade, en fait la "banlieue" d'Oliver.
les kokanees
Un pickup blanc s'arrête à ma hauteur. Sous ses lunettes de soleil Al me fait signe de mettre les clubs de golf à l'arrière ainsi que mon sac. Pas très causant, une voix caverneuse, j'apprend quand même qu'il est fermier et également maire d'Oliver, la ou il m'emmène. 3 mandats de suite! Il me dépose en centre ville car il a à faire avant qu'un magasin ferme.
Al
Je le remercie et marche une bonne trotte pour m'extirper des trottoirs de la ville. Je reconnais les magasins et des maisons, la même route que j'arpentais trois ans auparavant quand j'allais faire mes courses. Je bossais un peu plus loin chez un certain Bill, à cueillir les cerises. Un proprio à qui j'ai toujours pas rendu le harnais qu'il m'avait prêté. Passé le pseudo centre ville, je découvre tout un tas de grandes surfaces, des feux et d'autres trottoirs, la ville s'est agrandi, c'est fou!
a oliver devant une maison, une pancarte comme si on appelait un taxi, une pensee a mes skydivers

Finalement avant même de me poser, une voiture me dépasse et s'arrête un peu plus loin. Un jeune du coin, darrel. Il va chercher sa copine à osoyoos, la ou je bifurquerai à gauche pour aller dans les kootenays. Il va bientot partir en alberta ou il fait du sale boulot et engrange les ronds en hiver, les fameux sables bitumineux. On parle job dans le coin, et je me retrouve à lui filer le contact de Pete via la colloc de Rodney pour se faire quelques journées de vendanges!
darrel
Ciao darrel bon film d'horreur avec ta copine.
Les derniers rayons s'effacent derrières les collines, la fraîcheur approche doucement mais je suis motivé pour aller un peu plus loin. Je me bricole une pancarte affichant Nels. pour Nelson et arbore mon plus beaux sourire email diamant. Apres une bonne demi heureuse avant que la nuit s'installe, j'ai une prise! Un énorme pickup vrombissant s'arrête, j'ouvre la porte vitre teintée, Jason baisse le son, il va jusqu'à Grand forks, à mi chemin entre osoyoos et Nelson. Let's go!
De l'ordre des ingénieurs mécanicien, Jason gère des équipes de soudeurs pour des gros chantiers gouvernementaux, il habite à Vancouver avec sa copine et bosse en ce moment pour quelques mois à grand forks sur une aciérie. Sa vie c'est l'argent, il en fait beaucoup apparemment et c'est la raison pour laquelle il continue ce boulot. On escalade le flanc est de la vallée, le coucher de soleil est fantastique derrière nous, il éclaire les meules de foin des pâturages vallonnés du plateau sur lequel on file. Les étoiles commencent à pointer le bout du nez. Finalement je salue Jason et me retrouve a l'entrée du pont qui marque la fin du centre ville de grand forks.

Jason
 Sous un lampadaire je tend mon pouce, on sait jamais il fait nuit mais il est pas bien tard. Soudain une fille sort la tête dune voiture côté passager et me lance un "ou est ce que tu vas??" la voiture décélère net et je m'apprête à prendre mes affaires quand la portière s'ouvre. Jesse marche vers moi, elle a l'air un peu désolée mais sincère quand elle m'explique qu'elle peut pas m'offrir de ride mais qu'elle s'est dit que je cherchais peut être un endroit ou passer la nuit. Elle est avec des amis et de la famille chez elle, une de leurs amies est morte d'une overdose les jours précèdents et ils font une veillée en sa mémoire. Elle me demande si je veux venir et que bien que le moment soit difficile ils ont tous envie de faire la fête et communier ensemble en son honneur. Ça m'a l'air complètement fou sorti du bout de ma route j'hesites pas long et bien sur je dis oui. Arrivé chez elle je rencontre ses amis proches, amis d'enfance, les mères de certains sont aussi presentes. Un des gars joue de la guitare et ça chante en chœur des airs connus. Une ambiance festive et triste parfois à la fois et des personnes heureuses d'accueillir un étranger. Ça doit les aider à sortir aussi du contexte de la soirée, je leur raconte des tranches de vie de pouceux. On se découvre et c'est des instants précieux que je partages avec ces parfaits inconnus qui deviennent les amis d'un soir. La nuit est bien avancée, certains partent d'autres parlent encore dans le salon, je m'écrase de sommeil dans une des chambres.


jesse et deux pitres
Au matin, je fais des hugs a mes hôtes qui émergent et je reprend la route avec un nouveau chapeau, j'ai echangé le mien avec celui de Jesse, souvenir de cette soirée sortie de nulle part. Bonne route à tous.

Pas encore très frais, je mets un moment à trouver la bonne route en direction de Nelson. J'attends enfin au soleil. Et un gars s'arrête, Ben a baroudé sur le pouce dans toute la région pendant pas mal d'années, il a eu son permis de conduire sur le tas. Il s'est installé à Christina lake ou on se dirige, il est papa depuis peu et profites de chaque instant avant de rattaquer la saison de ski. Il travaille dans la station pas loin de chez lui.
Ben me laisse au bon endroit pour faire du stop, merci!

Quelques voitures et camions défilent, un type dans la soixantaine me prend en voiture, Nikola, d'origine tchèque. On rentre assez vite dans des discussions passionnantes sur le voyage et sur quoi faire de ses mains. Nikola me parlent de ses années en Amérique du sud, comment il s'est tout fait voler au Mexique et qu'il a quand même continué son voyage sans un sou en poche, à travailler pour manger et continuer le voyage, chichement mais apprenant beaucoup sur lui et les cultures et personnes qu'il a ainsi rencontré.
Nikola se dirige vers une station de ski, rossland, ou il va filer un coup de main à son fils à retaper son nouvel appart. Il me propose de venir l'aider et d'ensuite m'emmener à nelson. Pour une fois que l'occasion se propose de rendre service, c'est oui, bien entendu!
Je passe l'apres midi à abattre des vieilles cloisons, ou plutôt les désosser, ça sent l'humidité dans cet appart bâti en dessous d'un remblais de terre retenu par un mur bétonné. Le drainage est pas au top et tout est à viré sur la parois qu'on dégage à nu. J'accompagne niko a trail, la ville qui jouxte, on fait les magasins de bricolage pour acheter la laine de roche, bâche isolante et des plaques de placo.

Au retour il me laisse en ville avec quelques billets pour que je me fasses un bon repas. Je rentres dans un resto chinois, le ventilateur tourne au plafond, je suis le seul client. Je commande un véritable festin. Pendant que j'avales mes nems, la patronne mange son plat de nouilles avec les baguettes. Je lui souhaites un bon appétit. De ce petit mot tout simple on se questionne à tour de rôle sur nos histoires. Juan (prononcer djouann) est chinoise mais à grandi au Vietnam, c'était la crise en Chine et ses parents comme beaucoup de ses amis ont du émigrer, avec le début de la guerre le gouvernement vietnamien a renvoyé tous les chinois en Chine. A 18ans elle s'est retrouvé à aller en classe avec les tous petits pour apprendre le chinois qu'elle ne savait pas écrire! Elle est venu avec son mari au Canada il y a une vingtaine d'années et s'y plaît, tous ses frères et sœurs sont aux états unis, c'est la seule à être dans une petite ville de montagne. Le temps passe et finalement niko refait surface. Je dis au revoir à Juan et niko comme prévu m'emmène à Nelson.


On arrive de nuit, j'ai expliqué à niko ce que je venais faire ici. Je reconnais le quartier ou habite Tom et fais mes au revoir à ce personnage qui ma appris beaucoup de choses aujourd'hui. Les lampadaires éclairent ici et la les rues en pentes de la petite ville de Nelson. Après quelques minutes je retrouves la maison de tom. Je monte les marches du perron et toque à la porte, j'entends une sorte d'invitation à monter à l'étage. J'ouvre la porte et déboule avec mon gros sac et la mine enfarinée. Tom et bien la avec des amis et j'ai l'air de les déranger en plein beuf de folk. Il se retourne me sourit, je me remet en contexte, il y a 3 ans, les emails récents, ses amis dans la montagne, les grizzlis. Il me répond avec le sourire qu'il est pas disponible la et que c'est pas la peine que je reviennes demain car il part à la chasse très tôt pour plusieurs jours. Il me dit que j'ai qu'a y aller directement voir ses amis dans la montagne. Je lui demandes si je peux planter ma tente dans son jardin ou tout du moins squatter un bout d'herbe pour la nuit, il me dit que non mais que je peux aller sur le terrain de l'église plus bas. Ok tom! Merci pour l'accueil, je l'oublierai pas!
Je redescend les marches un peu sonné de m'etre fait jeter et en même temps je comprend qu'il en a sûrement ras la casquette de faire l'auberge de jeunesse avec tous les gens qu'il doit rencontrer. Bref un peu excessivement expéditif à mon goût, j'en rigole un bon coup et part à la recherche d'un endroit ou crécher. Je savais que le tom etait un drole d'oiseau et à bien y réfléchir c'est du lui tout craché, je lui en veux plus. J'avais pas d'attente sur quoique ce soit si ce n'est un bout de jardin pour la nuit, d'ou ma déception, mais j'aurais simplement du penser à un plan b. Le froid pince il fait nuit et je suis en plein centre ville, j'opte finalement pour l'auberge de jeunesse. Je me souviens qu'il font un mix pour pancake gratuit au petit dej. C'est aussi le lieu pour rencontrer du monde et partager des histoires, des infos, du voyage et du fun! Et accessoirement d'avoir un lit au chaud. Au chaud oui, une bonne bouffe et quelques discussions plus loin, je m'étale dans le plumard.

Je passe la journee du jeudi à me balader et faire des provisions car je me suis décidé demain je pars voir mick et storm dans la forêt, on verra bien ce qui se passera et s'ils sont la! En attendant je prevois tout pour être autonome, bouffe, grosses chaussettes une veste chaude que je peux empiler avec mes autres epaisseurs et un sur pantalon de pluie, ils ont prévu des averses et de la neige, des températures entre 8 et -5. Autant dire que ca va pas etre short et creme solaire, mais j'ai hate!

les boat house pour garer sa voiture sur le bras du lac kootenay

je retrouve les couleurs de l'automne du yukon, la saison m'a rattrapee

le mauvais temps ne fait pas justice au flamboiement des tonalites sur la pellicule. Mais c'est un vrai plaisir de se balader dans ce mini parc, une petite explosion de couleurs dans ce temps bien de saison.







Le soir je vais écouter un concert gratuit au royal, le pub de Nelson ou j'allais déjà lors du précédent trip.je découvre un groupe de folk ragtime, declan o'donovan, un chanteur à la voix éraillée qui entraîne la foule sur son piano. Ses compères à la batterie et contrebasse donnent le rythme. Après le concert j'echange deux trois mots avec les musiciens qui viennent du Yukon! En fait le chanteur est natif de Whitehorse les autres d'ontario, enfin ils habitent tous à Montréal ou ils vont finir leur tournée pour l'haloween au bar grumpys, le même ou j'allais avec l'équipe de volontaires de l'asso de vélo ou je faisais quelques heures chaque semaine. Le monde est petit!

declan o'donovan, un petit apercu ici et la

En sortant du bar, je marche un peu et le frais de la nuit me rappelle que demain je vais dans la forêt.
Dans le bois tu iras, c'est ma messe. À l'instant ou je me dis ces mots, derriere au loin, une cloche sonne. Une fois. Est-ce que j'ai rêvé? Le goût de la blanche et du citron me colle au palais et l'air de la dernière chanson résonne dans ma tête, je monte dans mon lit superposé qui grince et m'enroule dans la couverte.

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